La lutte contre l’influenza : les œufs au service de la science

Au début de la pandémie de COVID-19, plusieurs personnes comparaient ce nouveau virus à une simple grippe en raison de symptômes semblables. On minimisait son importance et les risques de contamination. Deux ans plus tard, nous avons appris du coronavirus et nous avons constaté ses dégâts. Pourtant, si l’histoire nous a appris quelque chose, la grippe, ou plutôt l’influenza, a longtemps été dévastatrice. Chaque décennie voyait le virus muter et s’adapter pour attaquer les populations. C’est grâce au travail de nombreux scientifiques que nous avons pu contrôler l’impact de cette maladie au point où les gens confondent aujourd’hui le virus de la grippe avec un simple rhume.

L’influenza a existé sous plusieurs formes avant d’être connue comme la grippe commune. Le virus frappe intensément au début du XXe siècle et évolue rapidement, causant des milliers de décès chaque fois qu’une nouvelle épidémie émerge. Dans l’optique de trouver une solution qui permettra de contrôler le virus et d’amenuiser les dommages, les scientifiques travaillent d’arrache-pied à la conception d’un vaccin efficace.

Source : Fonds IMHUM/IAF (01-128)

Le rôle de l’Institut de Microbiologie et d’hygiène de l’Université de Montréal dans la lutte contre l’influenza

Le Québec doit énormément à l’Institut de Microbiologie et d’Hygiène de l’Université de Montréal pour la lutte contre le virus de l’influenza. L’IMHUM travaillera main dans la main avec le ministère de la santé, le gouvernement canadien et les autres centres de recherches internationaux afin d’enrayer ce problème.

 L’IMHUM combat plusieurs versions de l’influenza, virus en constante évolution, et développe un vaccin efficace dans le contrôle de la maladie grâce aux œufs de poulet. Grâce à la contribution de l’IMHUM, le Québec voit les cas et les complications dues à l’infection diminuer. Cette lutte acharnée se produit sur plusieurs décennies et continue à être d’actualité aujourd’hui.

La grippe asiatique

Source : Fonds IMHUM/IAF (01-121)

Source : Fonds IMHUM/IAF (01-122)

La grippe asiatique, ou la grippe A, fait son apparition en 1956, en Asie. Au Québec, l’épidémie frappe durement en septembre 1957. Plus virulente que la grippe commune, la grippe A peut entraîner des complications et laisser des lésions. Le virus frappe rapidement la province, entraînant la fermeture d’écoles et d’hôpitaux afin de prévenir la contamination. Moins mortelle que la grippe commune, elle touche cependant un plus grand nombre de personnes. En quelques semaines, la grippe atteint un sommet et cause quelques décès.

Les journaux s’emparent de la nouvelle et diffusent l’information à son sujet. À l’époque, les journaux demeurent une manière efficace de communiquer avec la population québécoise afin de leur transmettre les directives du ministère de la santé. On y retrouve les recommandations les plus récentes tel que l’isolement volontaire. On y fait état des fermetures d’hôpitaux ou d’école afin de limiter les éclosions. Les titres sont sensationnalistes et insistent sur la gravité de la situation.

Ce virus découlant tout de même d’une souche d’influenza, l’IMHUM, sous la direction de Jean Tassé et la participation du Dr Vytautas Pavilanis, est en mesure de mettre rapidement en place un vaccin pour protéger les citoyens et réduire le risque d’infection. Un programme d’immunisation est mis en place afin de vacciner la population le plus rapidement possible en commençant par les travailleurs de la santé et des services essentiels. Les livraisons de vaccins débutent dès la fin septembre 1957.

Fonds IMHUM/IAF (624_02_009) Photographe : André-Paul Cartier

Un vaccin à base d’œuf

Le vaccin développé à l’Institut est produit à l’aide d’œufs fertilisés et du liquide amiotique contenu dans ceux-ci. Après avoir été incubé pour une période de 11 jours, l’œuf est inoculé avec une petite quantité du virus puis remis dans l’incubateur pour une période de 48 à 72 heures. Cette période d’incubation permet au virus de se multiplier dans l’œuf. On remarque dans la photographie plus haut les techniciennes qui effectuent le mirage des œufs afin de s’assurer que ceux-ci sont bien fécondés et qu’ils se développent correctement. Il est important que les œufs soient embryonnés afin de récolter le liquide amiotique par la suite.

Fonds IMHUM/IAF (01-031)

De grandes quantités du virus sont nécessaires afin de développer le vaccin et de le fournir la population québécoise. Ci-dessous, une technicienne présente un flacon de solution contenant un concentré du virus de l’influenza. Étant donné la dangerosité du contenu, les flacons devaient être manipulés avec soin. Un flacon fracassé au sol pouvait infecter un grand nombre de travailleurs rapidement et pouvait même être mortel dans certains cas. Si on peut croire le sourire rassurant de cette technicienne, le virus est entre bonnes mains. À l’arrière de la femme, nous pouvons voir un réfrigérateur contenant d’autres produits de laboratoire nécessitant d’être conservés au frais.

Fonds IMHUM/IAF (624_02_005) Photographe : Taillefer

À la fin de la période d’incubation, le virus est ensuite prélevé dans l’œuf. À l’aide d’une solution à base de formol, on rend le virus inactif. Puis, le produit obtenu est concentré par un processus de centrifugation. Une solution est enfin ajoutée au produit afin de le diluer. Le produit résultant de ces manipulations est le vaccin qui servira à combattre la grippe A. Le vaccin est produit en grande quantité et distribué au travers de la province.

On peut voir ci-dessous les œufs embryonnés, prêts à fournir leur liquide amiotique pour la production du vaccin. L’assistante de laboratoire, Liliane Choquette, manipule avec soin la solution du vaccin tant prisée par les services de santé publique. Cette solution liquide sera ensuite concentrée, purifiée et mise en ampoule par l’Institut. On remarque le port du masque, important pour limiter l’infection en cas de contamination ou de bris. Ce masque est épais et couvre le nez et la bouche.

Fonds IMHUM/IAF (624_02_007) Photographe : Canada Wide Photo

Travaillant depuis déjà plusieurs années sur des vaccins contre l’influenza, l’IMHUM est familière avec l’évolution d’une telle maladie et les techniques de production d’un vaccin. Rapidement, l’Institut de Microbiologie et d’Hygiène de l’Université de Montréal est en mesure de fournir un vaccin efficace pour protéger la population québécoise. On estime alors que l’Institut utilise plus de 120 000 œufs fertilisés par semaine dans sa lutte contre la grippe A.

Afin de pouvoir répondre aux besoins de la population, cette épidémie d’influenza amènera l’Institut à investir dans l’achat d’incubateurs supplémentaires. Rapidement, les chercheurs de l’Institut réussissent à produire les vaccins nécessaires pour protéger la population québécoise. L’Institut produit près de 10,000 doses par semaine vers la fin du mois de septembre 1957. Avec l’arrivée de nouveaux incubateurs, ils espèrent réussir à produire près de 30,000 doses par semaine. C’est avec grande fierté que l’IMHUM fourni une protection à triple efficacité qu’on affirme être le meilleur vaccin antigrippe au monde!

Fonds IMHUM/IAF (01-039)

C’est sans crainte que les scientifiques offrent leur bras pour tester le vaccin. Tel que le démontre la photographie ci-bas, le Dr Jean Tassé est le premier à tester l’efficacité de celui-ci. Le Dr Pavilanis, ayant travaillé d’arrache-pied au développement du vaccin, inocule son collègue. Ce dernier prend le bras du Dr Tassé pour injecter le vaccin dans son épaule. Le Dr Tassé ne montre aucun signe d’inquiétude ou de stress sur ce cliché.

Fonds IMHUM/IAF (624_01_586) Photographe : André Levac

À la suite de ces premiers tests, c’est avec confiance que l’IMHUM entame la distribution du vaccin. Celui-ci sera envoyé au ministère de la santé qui effectuera la distribution dans les centres de vaccination, les hôpitaux, les pharmacies et les bureaux de médecin. En quelques mois, la majorité des résidents du Québec est vaccinée et le virus décline en force. Comme le démontre l’apparition de la grippe de Hong-Kong en 1968, le virus n’est pas complètement enrayé mais la recherche scientifique a permis une maîtrise rapide et efficace de celui-ci. La recherche effectuée lors de la grippe A aura permis de transformer l’épidémie d’influenza en problème endémique beaucoup moins grave.


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