L’inoculation du BCG dans les communautés autochtones et chez les Inuits

Par Valérie Picard Proulx

En les comparant aux allochtones, les autochtones et les Inuits sont davantage à risque d’être infectés par la tuberculose active. Selon le Gouvernement du Canada, « la plupart des Canadiens ont un risque très faible de développer la maladie active » et « le taux de tuberculose chez les Inuit(sic) de l’Inuit Nunangat est 300 fois plus élevé que dans la population non-autochtone née au Canada » et « quarante fois plus élevé chez les membres des Premières Nations vivant sur les réserves que chez les non-autochtones nés au Canada ». [i]

Une des difficultés pour contrôler la propagation de la maladie peut s’expliquer du fait qu’une personne asymptomatique peut être porteuse de la bactérie de la tuberculose sans le savoir, et si l’infection est connue, il est difficile de prévoir quand cette dernière se réveillera.

La vaccination est un moyen pouvant contrôler en partie la propagation de la maladie.  Aurélie Devinck, qui est doctorante à l’INRS, explique dans une publication de l’Institut que « la vaccination permet d’immuniser une personne et une population contre un agent infectieux » et que « l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que la vaccination permet d’empêcher 2 à 3 millions de décès par an ». [ii]

Au début des année 1950, les médias témoignent des ravages de la tuberculose au Québec. D’ailleurs, un article datant de 1953 informe les lecteurs que les résultats d’une recherche menée par le docteur J.-E. Labrecque dans un hôpital psychiatrique sont encourageant. En effet le taux de mortalité à la tuberculose a baissé de 25,5 % à 5,6 %. Ces résultats favorables et les nouvelles connaissances venant de la recherche motivent le docteur Adélard Groulx, médecin-hygiéniste en chef de Montréal, à élargir la vaccination pour la population. On envisage aussi d’offrir ce même service aux Autochtones et Inuits (voir les deux textes ci-dessous; cliquer pour agrandir l’image).

Source : Fonds Institut Armand-Frappier (02-028)


Notons qu’en terme de contemporanéité, de réconciliation et de respect, on évite aujourd’hui d’utiliser les termes Eskimaux et Indiens. On utilise plutôt le nom de la nation, au lieu de « Indiens » et on utilise « Inuits » et non « Eskimaux ».


Le Docteur Frappier est allé lui-même dans des réserves pour inoculer le vaccin antituberculeux BCG (Bacillus Calmette-Guerin) aux membres des communautés autochtones dans le but de protéger ces personnes à risque de mourir et de propager la maladie infectieuse et, les « chefs indiens » étaient très satisfaits du travail des médecins. Cette satisfaction a été démontrée notamment par des cadeaux dont l’un est un dessin d’oiseau au bec long sur une écorce de bouleau ressemblant à une espèce de « butor » offert par les « Indiens de Kenora ». Le long bec représentait la seringue du docteur. [iii]

Armand Frappier vaccinant une enfant autochtone. Source : Fonds de l’Institut Armand-Frappier, 227_01_029

Le fonds d’archives de l’Institut Armand Frappier contient des photographies du village de Manawan, parfois épelé Manowan. Ces photographies de maisons du village de Manawan ont une valeur informationnelle intéressante dans un contexte de lutte à la tuberculose. Selon le Gouvernement du Canada, une mauvaise ventilation et l’encombrement des maisons sont des facteurs qui contribuent à la propagation de la maladie : « les chances de développer la tuberculose active sont plus élevées en habitant dans des maisons surpeuplées et mal ventilées, par l’insécurité alimentaire, par le contact avec des personnes présentant des symptômes de la tuberculose active, par le tabagisme, et par un système immunitaire affaibli notamment par des maladies comme le diabète et le VIH ».[iv]  Encore, selon l’Encyclopédie canadienne « un sondage de 2006 révèle que, dans l’Inuit Nunangat (le territoire nordique canadien), plus de 15 000 Inuits vivent dans des milieux surpeuplés et qu’il y aurait probablement plus d’une famille par résidence. ». [v]

Village de Manawan en 1956 Nouvelles maisons famille moyenne. Source : Fonds de l’Institut Armand-Frappier, 227_01_066

 

Village de Manawan. 1956. Nouvelles maisons – famille nombreuse. Source : Fonds de l’Institut Armand-Frappier, 227_01_065

Au final, l’aide apportée par l’Institut du Dr Frappier contribua à améliorer la qualité de vie des communautés autochtones du Québec. Ce type d’initiative est toujours d’actualité, car le Gouvernement du Canada poursuit de nos jours les efforts afin d’éradiquer les maladies qui menacent les communautés des régions nordiques du pays.

Source : https://www.sac-isc.gc.ca/fra/1570132922208/1570132959826

Ce texte a été réalisé par Valérie Picard-Proulx dans le cadre de son stage au Service des archives et de la gestion documentaire de l’INRS au printemps 2022


BIBLIOGRAPHIE

La doctorante Aurélie Devinck répond à des questions sur l’éradication des virus
https://inrs.ca/actualites/la-doctorante-aurelie-devinck-repond-a-des-questions-sur-leradication-des-virus/ (consulté le 19 juillet 2022)

Page d’histoire : Armand Frappier pionnier de la vaccination
https://inrs.ca/actualites/page-dhistoire-armand-frappier-pionnier-de-la-vaccination/   (consulté le 19 juillet 2022)

Le docteur Frappier
https://inrs.ca/historique/le-docteur-armand-frappier/   (consulté le 19 juillet 2022)

Pas d’association entre l’asthme infantile et le vaccin BCG
https://inrs.ca/actualites/asthme-infantile-aucune-association-avec-le-vaccin-bcg/   (consulté le 19 juillet 2022)

Bacillus Calmette-Guérin (BCG) vaccination patterns in the province of Québec, Canada, 1956–1974
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264410X17308617?via%3Dihub   (consulté le 19 juillet 2022)

La tuberculose et les communautés autochtones
https://www.sac-isc.gc.ca/fra/1570132922208/1570132959826   (consulté le 19 juillet 2022)

Tuberculose prévention et risques
https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies/tuberculose/prevention-risques.html  (consulté le 19 juillet 2022)


[i] La tuberculose et les communautés autochtones URL : https://www.sac-isc.gc.ca/fra/1570132922208/1570132959826  (consulté le 21 juin 2022)

[ii] « La doctorante Aurélie Devinck répond à des questions sur l’éradication des virus», INRS, 28 avril 2020, mis à jour le 3 novembre 2020, (consulté le 21 juin 2022)  URL : https://inrs.ca/actualites/la-doctorante-aurelie-devinck-repond-a-des-questions-sur-leradication-des-virus/

[iii] FRAPPIER, Armand, Une rêve une lutte, Autobiographie, Presses de l’Université du Québec, Québec, 2009, p.178.

[iv] La tuberculose et les communautés autochtones URL : https://www.sac-isc.gc.ca/fra/1570132922208/1570132959826  (consulté le 21 juin 2022)

[v] « Peuples autochtones de l’Arctique au Canada », L’encyclopédie Canadienne, dernière modification le 27 octobre 2021, URL : https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/autochtones-larctique (consulté le 21 juin 2022)