Dévouée à la recherche

Elle est l’auteure de plus d’une cinquantaine de publications et d’articles scientifiques. Elle a donné des dizaines de conférences au Québec sur le cancer et l’immunologie. Elle a été professeure d’immunologie et chercheure à l’Institut Armand-Frappier. Elle a dévoué sa vie à la recherche contre le cancer. Elle nous inspire par son dévouement, sa persévérance et sa curiosité. Voici le portrait d’une femme de science remarquable, Rosemonde Sayegh Mandeville.

Mademoiselle Pourquoi
Rosemonde Sayegh Mandeville nait à Alexandrie, en Égypte, en 1943. De nature fonceuse, ambitieuse et curieuse, elle se dirige vers le domaine de la médecine en souhaitant assouvir sa grande soif de connaissances. À l’Université d’Alexandrie, on la surnomme Mademoiselle Pourquoi. Sa curiosité vorace ne trouve toutefois pas satisfaction dans les dogmes hermétiques de l’enseignement de la médecine. Elle cherche le fondement des choses et ne se satisfait pas des réponses telles que « parce que c’est comme ça ». Loin d’avoir des réponses à toutes ses questions, elle se dirige naturellement vers la recherche.

Rosemonde S. Mandeville. Source : Fonds de l’Institut Armand-Frappier. Photographe : André Levac

Destination le Canada
En 1968, un an après la Guerre des Six-Jours dans laquelle l’Égypte est impliquée, elle quitte le pays en compagnie de son frère aîné avec rien de plus en poche que son diplôme de médecine et 500 $ cachés dans la doublure de son manteau. Espérant fuir la misère et un avenir incertain, ils immigrent tous les deux au Canada chez un oncle qui peut les parrainer. Dès son arrivée, armée d’une persévérance et d’une détermination à toute épreuve, Rosemonde Sayegh Mandeville est prête à travailler fort pour se rendre loin.

L’aspect linguistique ne représentant pas un obstacle puisqu’elle a étudié en français au collège et qu’elle a appris l’anglais à l’université, elle entreprend une maîtrise en pathologie et cancérologie à l’Université de Montréal. Entre temps, elle rencontre un homme et c’est le coup de foudre. Elle se marie et entame un doctorat en microbiologie médicale à l’Université du Manitoba, qu’elle complètera malgré l’arrivée de deux jeunes enfants, bientôt trois. Rosemonde Sayegh Mandeville concilie vie de famille, études, recherche et enseignement, un défi qui demande beaucoup d’organisation et de détermination. Elle souligne qu’allier vie familiale et carrière scientifique ne se fait pas sans le soutien d’un mari compréhensif et encourageant.

Cancer du sein et mode de vie
Dès son arrivée à l’Institut-Armand-Frappier, en 1978, la Dr. Mandeville consacre tous ses efforts à la recherche contre le cancer, plus précisément le cancer du sein. Elle s’interroge sur la détection précoce du cancer, les nouveaux traitements et, surtout, la prévention. Elle se penche particulièrement sur le cancer du sein puisqu’au moment où elle entame ses recherches, soit vers la fin des années 70, une Canadienne sur neuf en est atteinte. De plus, les technologies et les recherches sur cet ennemi d’envergure n’ont pas encore trouvé de moyen de diminuer le taux de mortalité chez les femmes qui le combattent.

« Mon engagement dans ce chemin ardu dans lequel je me suis engagée est total et j’entends bien ne jamais m’arrêter tant que j’aurai l’énergie nécessaire pour poursuivre la mission importante que je me suis donnée : celle de démystifier le cancer et de rechercher les moyens efficaces pour le diagnostiquer, le guérir et surtout le prévenir. » -Rosemonde Sayegh Mandeville

Madame Mandeville fera beaucoup avancer la recherche. D’une part, elle travaille sur la détection rapide du cancer grâce à des anticorps monoclonaux, des missiles téléguidés contre le cancer du sein. En collaboration avec des chercheurs de Vienne, en Autriche, elle met au point une technique qui permet de repérer la moindre métastase dans les ganglions de l’aisselle grâce à l’iode radioactif contenu dans ces anticorps. Dès lors, plus besoin de d’opérer l’aisselle inutilement.

D’autre part, elle veut démontrer l’importance du mode de vie et de l’environnement dans le maintien d’une bonne santé et dans la prévention du cancer. Dans ses nombreuses recherches, elle tente de prouver que le stress, l’alimentation et l’exercice physique occupent une importance capitale dans la prévention du cancer. Son étude se penche plus particulièrement sur le stress : elle croit que l’attitude psychologique influe sur la réponse immunitaire et, par le fait même, sur le combat des anticorps contre les cellules cancéreuses.

Mme Mandeville à son bureau de l’Institut. Source : Fonds de l’Institut Armand-Frappier. Photographe : André Levac

Cancer du cerveau et ondes électromagnétiques
En 1991, Rosemonde Sayegh Mandeville est spécialement choisie pour diriger une étude révolutionnaire : les champs magnétiques augmentent-ils l’incidence des tumeurs chez des sujets prédisposés au cancer ? Plusieurs possibilités en vue : le magnétisme pourrait affecter la réponse immunitaire, affecter l’expression des oncogènes ou agir sur les membranes cellulaires et le flux des ions. À l’époque, bien que l’effet des ondes électromagnétiques sur le corps humain soit un sujet qui commence à inquiéter, elle et son équipe sont les seuls au monde à travailler sur un tel projet. Le Pavillon de biomagnétisme de l’Institut Armand-Frappier est même construit spécifiquement pour cette recherche.

Figure inspirante
La Dr. Rosemonde Sayegh Mandeville impose, de par son parcours, son implication et ses réalisations, le respect et la reconnaissance. Sa contribution rigoureuse dans la sphère scientifique aura fait avancer de grandes causes telles que la recherche contre le cancer du sein et du cerveau. Décrite par ses pairs de la communauté scientifique comme une femme persévérante, acharnée au travail et idéaliste, elle demeure, encore aujourd’hui, une sommité et un modèle.

On ne peut passer sous silence le fait que Rosemonde Sayegh Mandeville est une femme immigrante et mère de famille qui a su se tailler une place dans l’élite scientifique du Québec et du Canada à une époque où les portes n’étaient pas, pour ainsi dire, très ouvertes à cette catégorie de personnes. Son parcours unique n’aura pas été sans difficultés. Elle aura été confrontée à des défis que de nombreux chercheurs et chercheuses canadiennes n’auront jamais eu à vivre.  La persévérance et la résilience dont elle a dû faire preuve pour accomplir sa brillante carrière sont tout à son honneur et sont d’autant plus une source d’inspiration pour tous.

Source : Fonds de l’Institut Armand-Frappier


Ce texte a été réalisé par Véronique Dulude dans le cadre de son stage en archivistique au Service des archives et de la gestion documentaire de l’INRS.