La clinique BCG de Montréal

C’est sous l’initiative du secrétaire de la province, l’honorable Athanase David, et sous les conseils d’Émile Sergent, éminent professeur de médecine et membre de l’Académie de médecine de Paris, qu’est inauguré à l’été 1935 une clinique de vaccination au BCG (Bacille Calmette-Guérin) à Montréal, dans les locaux de l’Assistance maternelle.

Clinique BCG de Montréal. Premiers lits pour bébés vaccinés et isolés. Source : INRS, Archives de l’Institut Armand-Frappier.

La clinique de la rue St-Hubert est parfaitement aménagée, d’une propreté méticuleuse, les équipements y sont stérilisés, etc. Le docteur Albert Guilbeault, directeur médical de la clinique, ainsi que les autres médecins et infirmières spécialisés doivent d’ailleurs subir un examen radiographique avant de pouvoir entrer dans la pouponnière. Aucune chance n’est prise en vue d’assurer la sécurité des enfants et la réussite du traitement.

Première clinique infantile du genre en Amérique du Nord, on y assure l’immunisation à la tuberculose au moyen du vaccin BCG, que seul le docteur Armand Frappier produit dans les laboratoires du département de bactériologie de la faculté de Médecine l’Université de Montréal depuis 1933. Mais selon le docteur Frappier, la seule vaccination des bébés n’est pas suffisante : il faut leur accorder des soins particuliers par la suite et surtout les séparer des foyers de contagions.

Les nouveau-nés qui y séjournent en moyenne d’un à deux mois, sont inoculés dès leur naissance du vaccin BCG, puis placés dans des conditions d’hygiènes permettant au sérum antituberculeux de donner son plein potentiel. En effet, la tuberculose n’est pas héréditaire, mais elle s’attrape par contact direct auprès des tuberculeux. C’est pourquoi les nourrissons doivent absolument être séparés de leurs mères tuberculeuses et de tout milieu d’infection, dès que possible et pour la durée prescrite, la résistance conférée par ce vaccin met plusieurs semaines à s’établir.

De passage à Montréal en 1936 dans le cadre d‘une série de conférences et leçons cliniques sur le BCG et la tuberculose expérimentale, le célèbre docteur Léopold Nègre, chef de laboratoire à l’Institut Pasteur, en profite pour visiter les locaux de la clinique. Il exprimera admiration et reconnaissance envers les dames de l’Assistance maternelle, les médecins et le personnel de la clinique pour la qualité de leur travail, avouant que le docteur Calmette lui-même aurait été ravi de l’initiative montréalaise.

Le scientifique français Léopold Nègre. Ce dernier dédicace cette photo à son « cher ami le professeur A. Frappier ». Source : INRS, Archives de l’Institut Armand-Frappier. Photographe : Otto & Pirou, Paris.

Dès les premières années d’activité de la clinique, les résultats sont hautement encourageants et donnent bon espoir de venir à bout de la tuberculose dans un avenir pas si lointain. On y traite environ 135 enfants chaque année, mais l’équipe voudrait faire davantage. En effet, l’espace est plutôt restreint, et la clinique BCG a rapidement besoin de secours matériel pour faire progresser son œuvre. En 1937, la clinique déménage et s’installe sur la rue Cherrier dans un appartement privé afin d’y recevoir un plus grand nombre d’enfants. Fin 1939, une nouvelle pouponnière voit le jour dans un immeuble de l’avenue Letourneux. Ces nouveaux locaux portent à trente  le nombre d’enfants qui peuvent être accueillis à la clinique. Une chose ne change pas : le personnel dévoué poursuit sans relâche les efforts entamés quelques années plus tôt. Après une décennie d’activité, la clinique peut se vanter d’avoir vacciné avec succès plus de 900 bébés.

Clinique BCG de Montréal. Deuxième installation sur la rue Letourneux, à Montréal. On y compte une centaine de lits. Source : INRS, Archives de l’Institut Armand-Frappier.

En 1947, le docteur Benjamin Weill-Hallé, proche collaborateur de Calmette et Guérin (à qui on doit la première vaccination humaine au B.C.G. en 1926), rend lui aussi visite à la clinique. Comme son collègue avant lui, l’éminent chercheur loue hautement l’organisation de l’établissement et le travail qu’on y accomplit. Selon lui, c’est au Canada « où est réalisée une des meilleures applications de la vaccination par le BCG. C’est pourquoi j’ai saisi avec plaisir l’invitation qui m’a été faite de venir constater la magnifique contribution de la clinique BCG de Montréal à la lutte antituberculeuse. […] L’œuvre réalisée ici n’est pas seulement nationale, mais internationale et humanitaire[1] » et sociale. De plus, le docteur Weill-Hallé croit que la vaccination antituberculeuse telle qu’on la pratique à la clinique a énormément servi à faire adopter cette dernière par les médecins français eux-mêmes, et ceux de bien d’autres pays.

Avec le travail de la clinique montréalaise, mais aussi celui des docteurs Frappier, Beaudoin et consorts, la vaccination par le BCG est entrée au Canada dans l’ère des applications pratiques, tout en prouvant son efficacité et son caractère inoffensif. La plupart des voix qui, dans les années 20 et 30, s’étaient élevées contre l’emploi de cette méthode à cause de son prétendu danger se sont tues.

(Texte de Nicolas Champagne, février 2021)


[1] Bel hommage rendu au BCG (26 juillet 1947). La Presse.

En complément, voir ce texte réalisé par le CHU Sainte-Justine.